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Un mystère nommé Amma

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Considérée en Inde comme une Mahatma, une «grande âme», Amma apparaît dans le dernier film de Claude Lelouch. Mais qui est cette «balayeuse du mental» qui prône «la religion de l’amour»?

 

Paris, Janvier 2007. «Comment résumer une sainte, un ange?» balbutie Sharon Stone. Face à une minuscule Indienne, yeux noirs pétillants, rondeur maternelle, sourire désarmant. Kerala, 2013. Mers de cocotiers, tours improbables et temple bariolé. «La physique quantique l’a confirmé. Le cœur émet les plus fortes énergies vibratoires. Apprêtez-vous à l’ouvrir. Sinon vous ne comprendrez rien!» Le Swami en orange, bienveillant, s’éloigne dans l’Ashram. Fin 2015. Claude Lelouch est en promotion de «Un + Une». L’Inde et Amma en sont aussi deux acteurs essentiels. «Cette femme dégage de l’invisible. Un paradoxe! Essayer de filmer l’invisible…»

 

Lire aussi notre critique du film: «Un + une», c’est un homme et une femme au pays des vaches sacrées

 

Sharon Stone aura finalement loué Sri Mata Amritanandamayi (Mère de la béatitude immortelle), 62 ans, à la tête du MAM, trust immense. «Elle a fait plus pour son pays que les gouvernements», a dit d’elle Mohammed Yunus, Prix Nobel. Reste qu’à un journaliste qui lui demandait en 2000 ce qu’elle ferait si elle pouvait changer le monde, elle répliqua: «Je serais balayeuse.» Entendez: «Balayeuse du mental!»

 

Lelouch, lui, aura surtout filmé ses «darshan», interminables étreintes offertes depuis 30 ans à 35 millions de personnes! Le rite, traduire «vision», est ancien. Réservé aux gourous authentiques qui, par leur seule présence, transmettraient la «shakti», l’énergie divine. Mais Amma est iconoclaste. Car prendre dans les bras en Inde, surtout si l’on est femme, est hautement tabou. Elle n’en a cure. Elle prend sur son sein. Et son sari blanc, maculé de sueur, larmes ou fond de teint, tous sexes, nationalités, croyances. «Je n’ai qu’une religion, l’amour. Je laisse couler un fleuve intarissable.»

Paraboles simples

«La religion de l’amour». Formule attractive en ces temps barbares. Mais l’invisible est-il débusqué? Car l’amour version «chabadabada» lelouchienne a peu à voir avec l’Amour que prône Amma. Celui du «Soi». «L’amour vrai est l’état d’où la peur est totalement absente. La peur fait partie du mental. Elle ne peut exister que quand on est identifié au corps et au mental.» Oups! Les héros du film, pleins de pulsions, désir et jalousie, ont encore du boulot. Mais Amma sera magnanime. «Dissoudre le mental et l’ego prend beaucoup de temps», console-t-elle volontiers ses dévots. De plus en plus nombreux, malgré quelques rites étranges pour les Occidentaux. Mais interpellés sûrement par la formule choc de Prévert: «Le mental ment, monumentalement!»

Mais l’invisible alors? Plonger dans la vie de Soudhamani Idamannel, née parmi de pauvres pêcheurs, aidera peut-être. Quoique… L’enfant ne babillera jamais comme un bébé, marchera à moins d’un an. A 9 ans, elle est contrainte de s’occuper de ses parents et de ses sept frères et sœurs qui la traiteront rudement. A 16 ans, elle doit quitter la hutte familiale où l’on ne sait plus comment gérer ses agissements dérangeants. Ne choisit-elle pas de méditer ou d’entrer en transe en invoquant le Ciel et Krishna, alors qu’elle est surchargée de tâches domestiques? Ne refuse-t-elle de se marier? Ne vole-t-elle dans les maigres réserves de famille pour donner à plus pauvre qu’elle? Et surtout, comment ose-t-elle (déjà) embrasser n’importe qui afin de le réconforter d’un karma trop lourd? Quelques décennies plus tard, l’ex-jeune paria, sans éducation ni aucun précepteur spirituel, est devenue incontournable dans les sommets œcuméniques. Pape, dalaï-lama et autres religieux respectés écoutent, interloqués, ses paraboles simples et insolites. Mais puissantes.

Source et ressource

Bollywood s’échinerait à la réduire à une «success story». Car au scénario convenu, il faudrait ajouter une résistance «herculéenne, inhumaine», à la soif, la faim, au sommeil. «Elle nous épuise», avouent ses fidèles. Qui ne s’étonnent pas qu’elle parle d’elle plutôt à la troisième personne, «comme si elle, ne comptait pas.» Et qui, pour tenir, s’adonnent au yoga ou aux «bhadjans», ces chants dévotionnels qu’elle chérit, «sa Source et sa ressource». Ajouter encore l’insensée pertinence des conseils – multidirectionnels – donnés à la volée aux «darshan». Ici à un scientifique émérite, un architecte; là, à une veuve désemparée, ou à un Japonais, à peine entraperçu des années plus tôt. Ajouter aussi ces images choisies par Jan Kounen pour son documentaire Darshan: L’étreinte (2005): une Amma si jeune, léchant les plaies d’un lépreux…

 

Des miracles? Elle n’en revendique jamais. A une exception près, il y a plus de 40 ans. Dans un temple, des sceptiques crient à l’imposture, et en réclament un. Elle refuse d’abord. Arguant que «chacun est capable de miracle en soi», que c’est là «l’essentiel». La colère gronde. En un instant, le lait contenu dans une jarre se fait crème.

Des membres du Parti communiste, assez actif à l’époque, rejoignirent les rangs de ses plus intraitables dévots. «C’est sa vie qui est le miracle, le don incarné», résume Dipamrita, sa représentante en France. Relayée par une autre Occidentale, qui a pris tôt la robe orange en Inde: «Vous craignez de n’avoir pas compris Amma? Rassurez-vous: je la suis depuis 38 ans, quasi jour et nuit, et moi non plus!»

Le «karma yoga» en action

Dans la tradition, le «dharma» (ce qui est juste) s’appuie sur quatre yoga/piliers: yoga de dévotion, de la connaissance, des postures et de l’action. C’est ce dernier, le «karma yoga», que privilégie Amma pour «balayer», pragmatique, le sens «du moi, du mien, de l’ego».

 

Résultat, le «seva» (service désintéressé) de milliers de bénévoles, aux compétences parfois très pointues, a abouti au MAM, une ONG immense. Qui possède des fleurons, comme cet hôpital de Cochin, l’un des plus sophistiqués d’Asie, notamment pour la chirurgie de la main; ou cette université parmi les dix premières d’Inde. Mais lance aussi des recherches sur les nouvelles médecines ou les nanotechnologies, et des formations, pour les femmes ou les basses castes notamment. Sans compter 50 000 maisons construites notamment après le tsunami, des orphelinats et écoles. Et encore plus de 50 millions de dollars investis depuis 1989 dans l’aide d’urgence.

 

«Le MAM devrait servir de modèle de réactivité et d’efficacité pour l’ONU et d’autres ONG», a estimé un haut responsable onusien. Amma voit aussi la nature comme une preuve de «non-séparation entre le Créateur et la Création». D’où d’innombrables actions écologiques. Et, tout récemment, ce chèque de 27 millions d’euros pour aider à la création de toilettes dans tout le pays et au nettoyage du Gange! De très rares politiciens ont tenté de polémiquer sur les rentrées de fonds. En vain. Car les dépenses d’Amma sont visibles et concrètes. Et parce qu’elle n’hésite pas à aller dans les cuisines sauver des épluchures gaspillées.

 

Source:  www.letemps.ch



22/12/2015
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