"Les neurosciences confirment ce que les religions savaient déjà"
![]() L’entraînement mental peut agir sur le cerveau et augmenter nos capacités à la compassion et à l’altruisme. Ce sont les conclusions d’une étude scientifique menée par la chercheuse Tania Singer, chercheuse en neurosciences et directrice du département des neurosciences sociales à l’institut Max-Planck de neurologie et des sciences cognitives, à Leipzig (Allemagne).
Quand elle n’est pas dans son institut de Leipzig, elle arpente la planète pour des sommets économiques internationaux. À Davos, en janvier, elle a pris la parole pour convaincre un parterre de décideurs de la portée sociétale de ses recherches, de la nécessité d’investir sur des outils coopératifs pour ramener les valeurs éthiques dans la société et renforcer nos aptitudes au vivre-ensemble. La rayonnante et persuasive quadragénaire a de solides éléments pour convaincre. Tania Singer, chercheuse en neurosciences et directrice du département des neurosciences sociales à l’institut Max-Planck de neurologie et des sciences cognitives, à Leipzig (Allemagne), a réalisé la plus vaste étude jamais menée sur l’impact de l’entraînement mental sur nos facultés de compassion et de coopération. C’est en décembre dernier, à la conférence Le Web, à Paris, rendez-vous international de l’innovation digitale, que nous l’avons rencontrée.
Comment vous êtes-vous intéressée à l'empathie?
Quand j’ai commencé à publier en 2004, j’étais plus ou moins seule sur le sujet. Spécialiste des neurosciences sociales, qui portent sur la connaissance de la compréhension de l’autre, je me suis intéressée aux effets de la méditation sur l’empathie et la compassion. Après des expériences sur le cerveau de Matthieu Ricard – mais en sciences, un cerveau seul ne vaut rien ! –, nous avons conduit à Zurich une première étude d’une semaine avec des personnes qui n’avaient jamais médité pour repérer les différences au niveau neuronal : comment, selon l’état et l’émotion, on active des réseaux différents. Ce sont ces premières recherches qui ont préparé le projet ReSource, l’un des plus grands programmes au monde d’entraînement et d’exercice mental laïque pour mesurer les effets de l’empathie sur notre santé, notre cerveau et nos capacités d’interactions sociales. Durant neuf mois, 300 personnes, entre 20 et 55 ans, ont pris part à notre étude et ont été suivies dans leur vie quotidienne, avec plus de 90 mesures régulières sur le cœur, le cerveau, le sang, l’immunité, le stress…
[...] Quels impacts peuvent avoir les résultats de ces études sur la société?
Notre projet maintenant est d’identifier l’effet sur nos comportements : voir par exemple par quels entraînements spécifiques, exercices ou jeux coopératifs on peut rendre l’humain plus altruiste. Le but de ces recherches n’est pas tant d’optimiser mes potentiels personnels, mais de ramener des valeurs éthiques dans la société. Pour mieux coopérer, mieux comprendre l’autre tout en améliorant nos aptitudes au vivre ensemble. Le bouddhisme parle de cette interdépendance à développer entre les êtres, mais dans une perspective laïque, la recherche, associée au savoir des traditions contemplatives, peut aussi nous aider à encourager cette communication entre les humains. [...] Quels sont les risques à éviter ?En rester à une visée individualiste, centrée sur soi. Les neurosciences sociales viennent confirmer ce que les traditions religieuses savaient déjà : nous avons une grande faculté de changement, mais notre devoir est de savoir dans quel but nous travaillons à ce changement. Se transformer soi-même, s’entraîner à la compassion, c’est d’abord dans la perspective de faire reculer la souffrance et de développer des valeurs éthiques dans la société. Plus on s’exerce à la bienveillance et à la sollicitude envers autrui, plus on renforce des comportements de coopération. Six ou neuf mois d’exercices quotidiens vous ouvrent déjà le cœur. Vous avez donc entre les mains un outil très puissant pour développer une société plus équitable et un monde plus positif et coopératif. Si au lieu d’être motivé par le pouvoir ou la performance notre cerveau est motivé par l’amour bienveillant, si vous remplacez la menace et la compétition par la confiance, cela oblige à repenser vos modèles économiques, construits sur l’idée que l’homme est essentiellement égoïste et agit toujours dans son intérêt. En vous changeant vous-même, vous pouvez aussi changer les institutions…
En sommes-nous vraiment capables ?Nos recherches montrent qu’on peut redécouvrir ce qu’on a déjà naturellement en nous. Le care system, quand on l’active, ça marche ! J’aimerais montrer que chacun a en soi cette capacité à l’altruisme et au soin de l’autre. Sinon, on ne s’occuperait pas de nos enfants. Même le chat, quand il lèche ses petits, a cette faculté. Et nous, en plus des animaux, nous avons la capacité d’étendre notre attention à ceux que nous n’aimons pas. Cela commence naturellement avec nos proches, mais nous pouvons étendre aussi notre altruisme au monde. Je ne suis pas pratiquante d’une religion, je ne suis pas bouddhiste, mais j’y crois : ouvrir les portes du cœur, développer une meilleure compréhension d’autrui, c’est l’enseignement des sagesses, mais ça n’est pas spécifiquement religieux, c’est la base de l’humanité. Entraîner notre esprit à plus d’amour bienveillant et à plus d’altruisme, c’est un processus de transformation à la portée de chacun.
Source : www.lavie.fr
|
A découvrir aussi
- Ils ne voulaient pas que leur fille s'assoie à coté de cet homme...
- il partage sa philosophie pour une vie heureuse
- UNE BELLE LEÇON DE CIVILISATION
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 126 autres membres